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Reprise d’entreprise: le concept de la coquille vide

Achèteriez-vous une machine très perfectionnée, sans avoir le mode d’emploi pour l’utiliser? Bien entendu que non! Pourtant trop souvent, c’est ainsi qu’agissent les repreneurs d’entreprises, qui croient qu’en achetant carnet d’adresses, murs, mobilier, machines et stocks, ils vont perdurer le succès de leur prédécesseur.

Il est pourtant établi que la réussite d’une entreprise est due avant tout à la gestion de ses relations (clients et fournisseurs), aux actions et aux méthodes de l’équipe, tout particulièrement de son patron. Tout ce qui la différencie d’avec la concurrence, qui possède les mêmes machines, mobiliers et stocks.

Ce ne serait pas un souci si, lors de la reprise, toute l’équipe, ancien dirigeant compris, restait. Malheureusement, il y a toujours une partie de l’équipe qui part – souvent la meilleure – suivie assez souvent de l’ancien patron. Et avec eux part le cœur de l’entreprise et tout ce qui faisait sa véritable richesse.

Alors oui, dans les contrats de reprise, il y a très souvent des arrangements sur une «période de transition», qui inclut la transmission des connaissances de l’ancien patron au nouveau, mais c’est un peu comme se faire réciter une recette à haute-voix : allez-vous vous en souvenir? Lorsque vous serez dans le stress pour concocter votre premier menu tout seul? Alors, un plat raté, ce n’est pas la fin du monde. Une entreprise gâchée qu’on a payée des milliers, millions ou dizaines de millions, ce n’est plus la même chose.

La collecte des connaissances doit être effectuée dans un cadre et selon un modus operandi établi, qui couvre les éléments courants, quotidiens autant que ceux annuels ou exceptionnels, qui permettent de s’assurer qu’on n’a rien oublié. Cela demande la même rigueur que l’analyse financière ou de l’inventaire des stocks.

Alors, quand faire appel à une société de gestion des connaissances?

Du côté des patrons, certains l’ont déjà compris et appellent par eux-mêmes des sociétés spécialisées comme la nôtre, comprenant qu’ils pourront augmenter fortement la valeur du bien à vendre avec un mode d’emploi établi qui pérennise leur société. Cela leur offre aussi l’avantage d’accélérer la vente et leur départ de l’entreprise. En effet, rares sont ceux qui vendent leur entreprise en voulant y rester sur le long terme, désirant plutôt profiter du résultat de longues années de labeur avec une retraite bien méritée.

Du côté des acheteurs, il existe aussi quelques sociétés spécialisées dans les reprises, qui le savent et font appel à nous, car gérer les connaissances n’est pas un métier qui s’invente sur le coup ni une activité annexe que l’on fait réaliser par le stagiaire. En prenant un prestataire spécialisé, elles peuvent alors garantir aux acquéreurs que le bien qu’ils achètent sera pleinement utilisable, rapidement et sans à-coups.

Je m’en fiche: je suis concurrent et ne les rachète que pour leurs clients

Je ne pourrais pas extrapoler mon expérience au monde entier, mais à titre personnel, je pense qu’au moins un quart des reprises d’entreprise que j’ai vues l’ont été par des concurrents qui ne recherchaient que le listing client, espérant ainsi augmenter leur chiffre d’affaires rapidement.

Alors en ce cas, pourrait-on dire que cette étape de consolidation des connaissances est inutile? Partiellement pas: si les clients étaient chez votre concurrent et pas chez vous, c’est qu’il y avait une bonne raison. Peut-être qu’une récolte intégrale des connaissances sera inutile, mais si vous voulez vraiment conserver les clients que vous venez de racheter, vous avez intérêt à savoir pourquoi, quel service on leur fournissait et qu’est-ce qui justifiait qu’ils n’étaient pas venus chez vous avant.

D’ailleurs, en anecdote

J’ai vu à plusieurs reprises des acquisitions de ce type très mal tourner, quand il a été découvert que les clients n’étaient là que pour des raisons désavantageuses: souvent des prestations très personnalisées et non reproductibles chez leur nouveau prestataire, mais aussi rabais constants ou services non facturés (intenables pour le nouveau prestataire ou qui, une fois facturés, faisaient fuir le client).

Tous ceux que je connais qui ont fait des acquisitions sans cette partie d’analyse se sont retrouvés à la fin avec une grande partie de leur clientèle inexploitable, qui leur coûtait plus cher qu’elle leur rapportait et qu’ils l’avaient payée.

Tout ceci s’évite en grande partie avec cette récolte des connaissances!

En conclusion

Il faut être honnête, certaines entreprises ne possèdent pas autant de différences que cela et réclameront très peu de travail, donc très peu de frais, mais au moins on se garantit d’éviter de mauvaises surprises. En revanche, plus l’entreprise est ancienne, dans un domaine particulier ou a un succès presque «inexplicable», plus cette récolte de connaissance sera vitale pour l’acquéreur et faire perdurer ce succès.

Ce n’est pas pour rien que Bill Kaplan, précurseur américain de la gestion de connaissances, avait simplement résumé cette problématique de reprise à l’aveugle par : «In business acquisition, there is no future without past», en traduction, «dans la reprise d’entreprises, il n’y a pas de futur sans le passé».

Et vous? Qu’en pensez-vous?

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